Interrupteurs, mettez-vous en veille ?

Sait-on jamais, à écouter, vous pourriez même apprendre …

Dans les relations professionnelles comme dans la sphère privée, on ne sait plus comment faire comprendre à nos interrupteurs intempestifs qu’ils nous fatiguent et qu’ils érodent notre envie d’interagir avec eux. Entre pollution et toxicité, on n’ose exprimer ce que l’on ressent de peur de les blesser là où pourtant, chaque interruption est vécue comme une insulte à notre endroit.

J’ai demandé à plusieurs personnes ce qu’elles entendaient lorsqu’interrompues : “ce que tu dis n’est pas intéressant”, “tu n’es pas intéressant”, “tu n’existes pas”, “tu dis des bêtises”, “tu dis n’importe quoi”, “tu es bête”, “tu es prévisible”, “je suis plus intelligent que toi et je sais déjà ce que tu vas dire”, “je m’en fous de ce que tu dis”, “j’ai mieux à dire”, etc. Chaque traduction de l’interruption semble vécue comme un déni de soi et à chaque fois, la personne interrompue montre une véritable blessure, surtout “lorsque l’interrupteur change complètement de sujet !”. L’une d’elles m’a même dit “je prends un coup de couteau à chaque fois !”

Et à chaque fois, on s’aperçoit qu’en fait, les interrupteurs n’écoutent pas l’autre. Ils restent autocentrés, bloqués sur leur idée, qu’ils ont peur de perdre, ou sûrs de leur supériorité, sans aucun sens de l’autre, sans respect ni même un minimum de courtoisie ou de bienséance. Une scène rapportée a été vécue comme le summum de la condescendance : “il m’interrompait sans cesse, avec ce sourire que l’on dédie aux enfants turbulents et qui signifie “tu es bien mignonne mais laisse les grands parler”, en me posant la main sur le bras pour atténuer l’effet (c’était pire). À la 3ème interruption, j’ai explosé devant tout le monde et lui ai demandé d’arrêter sa condescendance insultante. Si je n’avais pas eu un sens aigu des enjeux et des priorités, et beaucoup de résilience, j’aurais perdu le reste de ma journée à fomenter ma vengeance !”.

Eh oui, terrain propice pour le développement du conflit parce que focalisé sur la personne, les interruptions créent du ressentiment et, in fine, un désir de vengeance chez l’interrompu. Un ancien interrupteur m’a rapporté “j’étais sûr de savoir ce que l’autre allait dire, alors je ne voyais pas pourquoi attendre, cela permettait de gagner du temps. Lorsqu’on m’a dit que j’étais insupportable, je n’ai pas compris, mais j’ai accepté de me taire et de voir. J’ai réalisé qu’en écoutant jusqu’au bout, j’apprenais de nouvelles choses et mes interventions s’en trouvaient améliorées. J’ai compris quand j’ai eu à faire avec un interrupteur, je n’avais pas fini mon exposé, la suite était importante, je me suis senti insulté et j’ai eu envie de le gifler !”

Alors comment faire ?

Dans le cadre professionnel, le contrat de groupe est primordial, et le rappeler de temps en temps peut s’avérer nécessaire. On pensera, bien entendu, à s’entendre sur la durée des interventions. En effet, attention, racketter le temps des réunions ou autres interactions en poursuivant un monologue ronronnant en sachant que l’on ne sera pas interrompu peut avoir un effet similaire …
La confrontation en a parte en activant la séquence constructive du Conflit fonctionne très bien*, même si plusieurs confrontations seront certainement nécessaires, le comportement n’étant pas du tout facile à changer.

 

Et si les symptômes persistent ?

Il y a quelques jours, une excellente consœur, spécialisée dans le Conflit et siégeant dans une instance professionnelle, posait cette question au réseau : Comment se comporter face à une interruptrice patentée (Oui, nous sommes aussi touchés par les situations et ne savons pas toujours y répondre correctement instinctivement :-)) ? Elle se retrouve en situation de collaboration avec une personne qui interrompt sans cesse son auditoire, le sait et “est ok avec cela”. Que les autres soient gênés, agacés, frustrés par son comportement, qu’ils s’ennuient en sa présence, qu’ils en arrivent à ne plus l’écouter et qu’il en aille de sa crédibilité, apparemment déjà fortement érodée, n’est visiblement pas un sujet de réflexion pour l’interruptrice.

Le réseau s’est donc mis à répondre, dans 99% des cas en essayant de trouver une explication au comportement de l’interruptrice. Toutes les réponses étaient valables et je vous laisse les imaginer, vous les trouverez, ce n’est que le début du sujet. En effet, comprendre l’intention permet d’atténuer (ou d’augmenter) l’intensité de la réaction. Maintes réponses comportementales ont été proposées … selon la projection et le degré d’identification du répondant.

Le lendemain matin, notre nouveau Premier Ministre, Édouard Philippe, invité de Jean-Jacques Bourdin, bien connu pour ses interruptions ininterrompues, ce qui peut certainement agacer ses interlocuteurs (cela m’agace moi-même, simple spectateur qui a envie d’entendre les réponses des invités), sur BFM/RTL, a eu cette réaction que j’ai trouvée exemplaire d’efficacité. Après la énième interruption au début de sa réponse suite à une question, il a attendu posément en affichant un sourire sincère, bienveillant et un peu espiègle et, au 1er blanc, a lâché “vous avez terminé ou je peux me permettre de répondre ?” Jean-Jacques Bourdin s’est tu. Vous aurez noté le “ou” entre 2 propositions nullement opposées :-).

Lætitia Slous

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* Séquence constructive à activer dans une posture de bienveillance pour une 1ère confrontation : Temporiser (attendre au moins la fin de la discussion), Prendre du Recul (comprendre les motivations de l’autre) en Analysant la Situation, Exprimer ses Émotions, Rester Flexible et Créer des Solutions. On peut proposer à l’autre de mettre en place un signal discret pour l’aider à ne pas réitérer lorsque c’est nécessaire.